L’ART CONTENT POUR RIEN OU L’ART COMPTANT POUR RIEN
- MURIEL BAGNOUD

- 28 oct.
- 6 min de lecture



L’art contemporain spécule sur la culpabilité de ceux qui n’y comprennent rien ou qui n’ont pas compris qu’il n’y avait rien à comprendre » Jean Baudrillard L’imposture de l’art contemporain
Une imposture sémantique déjà, l’art est un langage non verbal, sensible qui communique avec les êtres au-delà des mots, et sans passer par des concepts. C’est la forme accomplie de l’œuvre qui va porter le sens, mais pas un sens conceptuel logique.
L’art contemporain se débarrasse des critères esthétiques et se réfugie dans le discours. Le fond de l’art contemporain n’est pas esthétique, il est un discours, naturellement on va faire référence à Duchamp, qui dit : l’art est ce que l’artiste dit être de l’art et c’est une définition nominaliste. Je nomme ça de l’art et c’est de l’art. Arthur Danto philosophe new yorkais des années 60 a rajouté à cette définition de l’art contemporain : « Est de l’art ce que l’artiste dit être de l’art et les institutions et la société disent être de l’art » On termine par une définition à la fois sociologique. Est de l’art ce que la société dit être de l’art, mais comme la société abstraitement n’existe pas, donc ce sont les institutions qui reconnaissent que c’est de l’art.
Qui sont les institutions, elles sont diverses en France c’est l’état, le ministère de la culture, en Suisse l’office fédéral de la culture, cela peut être les médias également. L’art est une chose, l’art contemporain en est une autre, il y a eu déjà à la base un hold up sémantique du mot art. l’art contemporain est un concept, ce qui compte c’est le concept, la forme est secondaire. Ce qui est une forme de piège pour interpeller le regardeur, l’inquiéter le perturber.
Par la suite, l’art contemporain se métamorphose et devient peu à peu un produit financier. L’art contemporain est le seul art sur lequel on peut spéculer, il est adapté au merchandising, à la globalité, c’est un art sans identité et sans valeur intrinsèque, c’est un objet que simplement les institutions ont décidé être de l’art. Mais cela ne suffit pas, il faut une organisation. Il y a deux grandes maisons de vente internationale Christie’s et Sotheby’s qui vont faire un travail d’entente durant toutes les années 90.
Elles réorganisent le marché et elles vont prendre en main le marché de l’art contemporain. Ces maisons de vente ne seront plus un second marché comme c’était la règle, elles qui passaient d’abord par des marchands d’art en premier marché. A partir de l’an 2000 ces maisons de vente vont devenir le premier marché et elles vont faire les côtes à l’international des artistes, elles vont elles-mêmes exposer les artistes et vont travailler en réseau c’est là que tout s’organise avec comme personnage principal, le grand collectionneur. C’est quelqu’un qui est « too rich to fall », c’est-à-dire que pour lui dépenser 50 millions pour un Jeff Koons c’est de l’argent de poche. Il dispose de ses fonds sur un compte sans devoir faire une opération de vente. Il achète une œuvre de 50 millions Ces grands acheteurs vont travailler en réseau, c’est-à-dire qu’ils vont trouver d’autres grands acheteurs qui vont soutenir non seulement le même artiste mais la même œuvre en sérielle. Par exemple, le chien de Jeff Koons a 7 chiens qui sont de couleurs différentes mais identiques achetés par 7 milliardaires qui travaillent en réseau. Quand un chien monte tous les chiens montent. Ils vont faire de la création monétaire.
Pour rentrer dans le réseau il faut faire monter la côte, le réseau s’agrandit un à un de nouveaux collectionneurs. Pourquoi ? Imaginons un industriel chinois très riche qui se trouve au fin fond de sa province mais qui aimerait rentrer dans le réseau international, s’il veut fréquenter la cour des grands, les diners, les cocktails, les réceptions lorsqu’il y a les différentes foires où tout le monde débarque avec son boeing pour passer quelques jours, il se doit de payer un pas- de-porte pour faire passer le Jeff koons de 30 millions à 50 millions et c’est ainsi que fonctionne le réseau. D’un point de vue géo-politique, dès 45 aux années 60, la France est un des pays leader dans le monde artistique.
Les Américains l’ont très vite compris et en 1947 quand arrive la guerre froide et qu ils gagneront la guerre, ils décident de la gagner aussi sur le plan culturel, car les élites européennes étaient fascinées par le communisme à l’époque et donc les américains veulent s’emparer du pourvoir culturel. C’est là que se mêle la CIA des questions artistiques. Au début, ils vont organiser l’art moderne et ils vont essayer de trouver une abstraction américaine (Pollock, Rothko ,…) qu’ils vont promener dans toute l’Europe. Le tout financé par la CIA pour montrer aux Européens que leur modernité était meilleure. L’Europe et en particulier Paris avait cette caractéristique extraordinaire d’avoir tous les arts les plus traditionnels et classiques, l’académisme et toutes ces choses qui demandent des savoirs millénaires mais aussi toutes les avant-gardes et cela faisait cruellement défaut à New York.
Comment ramener le centre du monde à New York si on n’a pas ce terreau extraordinaire. On va dans un premier temps dénigrer la France et dans un deuxième temps créer un marché financier de l’art qui va pouvoir consacrer les gens en 2 ans et prendre la main sur Paris. Dans les années 60 Paris représente 60% du marché de l’art mondial et aujourd’hui c’est à peine 4 % . Il y a un retournement à partir de 2007-2008 à cause de la crise financière. Paris redevient utile. Jusqu’en 2008, n’y avait pas de galerie importante américaine à Paris.
C’est en 2009 qu’elles s’installent à Paris. Il s’est passé beaucoup de choses depuis, les américains ont gagné la guerre culturelle, le système soviétique s’est effondré en 1975 on a fait un deuxième holdup des mots et le mot contemporain est devenu le seul art d’aujourd’hui. L’art contemporain ce n’est pas l’art d’aujourd’hui, c’est un courant conceptuel. On a voulu donner l’illusion que c’était le seul art d’aujourd’hui. Tous les autres courants artistiques existent mais on va considérer que c’est le grand courant mondial qui est toujours consacré à New York.
A partir des années 70, les foires internationales foisonnent partout dans le monde, chaque fois qu’il y a un pays émergent, il y a une foire internationale d’art qui débarque et on a donc un réseau international qui va être cet art seul contemporain conceptuel et qui lui-même va devenir industriel parce que cet art conceptuel permet d’avoir des objets sériels, un merchandising de l’art. L’artiste produit 2, 3, 4 mêmes œuvres pour être vendues au sommet, puis ensuite il y a tous les produits dérivés, les sérigraphies, les t-shirts, les porte-clés (jeff koons). En 2008 NYC n’est plus la référence, le marché s’écroule jusqu’à 50% et tout à coup les américains ont de nouveau besoin de Paris, parce que Paris redevient glamour.
Après la guerre froide culturelle, il y a eu une hégémonie américaine qui s’est faite et une réorganisation du marché qui fait que ce n’était plus les galeries, ce n’était plus les amateurs, ce n’était plus les spéculateurs qui faisaient la côte. On a sécurisé l’art contemporain qui s’était écroulé en 1990 avec le marché de l’art. On ne voulait plus de cet écroulement total avec le marché de la bourse. Ils ont décidé de dissocier les 2. Ils se sont dit on va collectionner en réseau et on va miser sur tel artiste ou sur tel produit et on va décider ensemble du prix de telle ou telle œuvre. De cette manière, les prix ne peuvent pas s’écrouler, car on ne peut pas vendre sans la permission de tout le monde. C’est pour cela qu’on a besoin de Paris et de ses grands établissements publics, le Louvre Versailles pour promouvoir des artistes d’art contemporain, pour leur donner une légitimité, parce évidemment cet art contemporain qui n’est qu’un produit financier devient extrêmement cynique et puis c’est aussi une pyramide de Ponzi. Or en 2002 et 2008 il y a eu un crack boursier et à chaque fois les choses étant organisées différemment, le marché de l’art ne s’est pas effondré avec la bourse. En 2008, il y a eu une stratégie, on est allé plus loin pour prolonger le plus longtemps la pyramide de Ponzi. Il y a eu aussi une seconde métamorphose, on n’en a pas fait seulement un produit financier dérivé, sécurisé mais aussi une liquidité, une monnaie, beaucoup plus facile encore, ces collectionneurs qui font les côtes ont une sorte de bitcoins entre eux pour les hyper riches qui font du commerce dans le monde entier et se connaissent et qui sont des grands financiers dispersés dans le monde entier.
Le rôle de Paris que lui attribue New York est d’apporter une légitimité à l’art contemporain, il faut que cette pyramide de Ponzi soit le plus large possible pour qu’il y ait tout le temps du monde qui entre, il faut donc à la fois une pointe sécurisée qui elle ne bouge pas et un milieu où il y a tout le temps un trafic et c’est ce milieu -là qui est dangereux, parce que les bulles n’éclatent qu’à ce niveau-là et à ce moment-là il faut de plus en plus légitimer et faire partager au plus grand nombre possible cette idolâtrie de l’art contemporain, c’est Jeff Koons au Louvre, à Versailles et ces lieux patrimoniaux deviennent de vulgaire « showcase » (présentoir), mais le marché n’est pas à Paris. Le marché demeure dans différents endroits et toujours en particulier à New York. Mais « secrètement la question se pose : quand et comment aura lieu l’effondrement d’un marché où un grand nombre de marchandises n’ont pas de valeur intrinsèque ? »
Sources Aude de Kerros Nicole Esterolle
























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